par Joseph Ax, Tim Reid et Maria Tsvetkova
La démocrate Abigail Spanberger a remporté mardi l'élection pour le poste de gouverneur en Virginie, montrent les projections des médias américains, l'un des scrutins organisés dans la journée que les experts considèrent comme un premier indicateur de l'état d'esprit de la population américaine après neuf mois de présidence tumultueuse du républicain Donald Trump.
Ancienne élue de la Chambre américaine des représentants et ex-agent de la CIA, Abigail Spanberger, 46 ans, a nettement battu la lieutenant-gouverneure républicaine sortante, Winsome Earle-Sears, selon les projections, et devrait devenir la première femme gouverneure de l'Etat de Virginie. Elle succéderait au gouverneur républicain sortant Glenn Youngkin, qui ne pouvait pas se porter à nouveau candidat, conformément aux lois électorales locales.
En parallèle, dans le New Jersey, la démocrate Mikie Sherrill est donnée victorieuse face au républicain Jack Ciattarelli pour le poste de gouverneur, d'après les projections de l'institut Decision Desk HQ. D'autres organisations ne se sont pour l'heure pas prononcées sur cette élection.
Non loin de là, à New York, l'élection du maire de la "Grande Pomme" était également observée de près.
Favori surprise du scrutin, Zohran Mamdani, un démocrate de 34 ans revendiquant l'étiquette de "socialiste", affronte l'ancien gouverneur démocrate Andrew Cuomo, 67 ans, qui se présente en tant qu'indépendant après avoir perdu la primaire face à Mamdani, un duel qui a mis en évidence les divisions générationnelles et idéologiques au sein du Parti démocrate.
Dans le même temps, en Californie, les électeurs devait décider d'accorder ou non aux élus démocrates le pouvoir de redessiner la carte électorale de l'État pour favoriser leur camp, comme les républicains viennent de le faire au Texas, ce qui pourrait déterminer le contrôle de la Chambre des représentants à l'issue des élections de mi-mandat au Congrès ("midterms") l'année prochaine.
L'enjeu est particulièrement élevé pour les démocrates, qui peinent à se remettre de leur défaite à la présidentielle en novembre 2024 et ne trouvent pas la parade face à la pugnacité de l'administration Trump dans pratiquement tous les domaines.
Signe de l'urgence pour les démocrates à se remettre en ordre de bataille, l'ancien président Barack Obama, qui demeure la figure la plus populaire du parti, a participé au cours du week-end à des meetings dans le New Jersey et en Virginie, exhortant les électeurs à s'opposer ce qu'il a qualifié de politique "anarchique" de Donald Trump.
"Le Parti démocrate est dans une mauvaise passe", a commenté Larry Sabato, directeur du Center for Politics de l'université de Virginie. "Tout soutien est le bienvenu."
FORTE MOBILISATION DES ÉLECTEURS
Les électeurs ne semblent pas démobilisés.
Plus de trois millions de personnes ont voté par anticipation en Virginie, à New York et dans le New Jersey, dépassant largement le total enregistré il y a quatre ans. À New York, 735.000 bulletins de vote ont été déposés en avance, selon la commission électorale de la ville, soit quatre fois plus qu'en 2021.
Zohran Mamdani devançait Andrew Cuomo de plus de dix points dans les sondages, tandis que le candidat républicain Curtis Sliwa, 71 ans, était largement distancé.
En Californie, la "proposition 50", qui prévoit la mise en place d'une nouvelle carte électorale qui devrait permettre aux démocrates de remporter cinq sièges supplémentaires à la Chambre des représentants l'an prochain, en réaction à l'initiative similaire des républicains au Texas, devrait également être largement adoptée.
Compte tenu des revirements incessants de Donald Trump, il sera probablement plus difficile de tirer des enseignements de ces scrutins que les fois précédentes, à un an des élections de mi-mandat pendant lesquelles l'intégralité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat seront renouvelés.
"Rien de ce qui se passera en Virginie ou dans le New Jersey ne nous en dira beaucoup sur ce qui se passera dans une circonscription du Missouri ou lors d'une élection sénatoriale dans le Maine", a estimé Douglas Heye, stratège républicain.
Les élections de mardi constituaient néanmoins une bonne répétition pour les démocrates en leur fournissant l'occasion d'évaluer différentes stratégies.
Abigail Spanberger et Mikie Sherrill, qui font toutes deux partie de l'aile "modérée" du parti et qui ont toutes deux une expérience dans le domaine de la sécurité nationale, ont placé Donald Trump au centre de leur campagne, cherchant à exploiter la colère suscitée par ses politiques agressives.
Le président leur a récemment donné du grain à moudre en raison du "shutdown", en gelant des milliards de dollars de financement pour un tunnel ferroviaire indispensable entre le New Jersey et New York, et en menaçant de licencier des fonctionnaires fédéraux, dont beaucoup vivent en Virginie.
LE COÛT DE LA VIE DEMEURE L'ARGUMENT CLÉ
De son côté, Zohran Mamdani a mené une campagne très à gauche qui a enthousiasmé la base du parti, notamment les jeunes, en proposant par exemple le gel des loyers pour près d'un million d'appartements, la hausse de l'impôt des riches ou la gratuité des transports en bus dans la ville.
Lundi soir, Donald Trump a apporté son soutien à Andrew Cuomo, exhortant ses partisans à voter pour l'ancien gouverneur et réitérant sa menace de réduire les fonds fédéraux alloués à sa ville natale si Zohran Mamdani venait à l'emporter.
Mais le coût de la vie, qui avait été au coeur de l'élection présidentielle en raison de la très forte inflation, demeure un argument clé.
"Que ce soit à New York, en Virginie, dans le New Jersey ou dans le reste du pays, les candidats démocrates se concentrent sur l'économie, sur le coût de la vie et sur tous ces sujets qui constituent actuellement une source d'inquiétude dans le pays", a déclaré à Reuters Ken Martin, président du Comité national démocrate.
Pour les républicains, les élections de mardi permettront de savoir si les électeurs qui ont contribué à la victoire de Donald Trump en 2024 sont prêts à voter pour d'autres candidats que lui.
Dans le New Jersey, Jack Ciattarelli a particulièrement ciblé les électeurs noirs et latino-américains que Donald Trump avait réussi à séduire en 2024. Mais pour lui comme pour les autres candidats républicains, il est difficile de trouver un équilibre entre soutien à Donald Trump et critique de certaines politiques de la Maison Blanche qui hérissent les électeurs modérés et indépendants.
Malgré son omniprésence et son auto-glorification permanente, Donald Trump est impopulaire: 57% des Américains désapprouvent son action, selon un sondage Reuters/Ipsos. Une situation dont les démocrates ont été incapables de profiter jusqu'à présent.
(Reportage de Tim Reid à Stafford en Virgine, Maria Tsvetkova à New York, Joseph Ax à Washington, avec la contribution d'Ashraf Fahim, Julia Harte, Jonathan Allen et Andrew Hofstetter; version française Tangi Salaün et Jean Terzian)

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